lundi 22 juin 2015

Peace & Love

Les yeux de Buddha, qui voit tout et qui ne dit rien…

Le Népal, lieu mythique couru des hippies dans les années 60-70, n’est pas qu’un pays producteur de haschisch. Je me demande tout de même si leur pacifisme ne vient pas un peu de là…

JOUR 1 . 10 mai . Aéroport de Casablanca
Mon petit sac orangé fait 5,4 kgs. J’apporte aussi une valise de 28 kgs de vêtements, chaussures, couvertures et effets scolaires pour les gens des villages, que Surendra, le directeur de l’hôtel à Kathmandu, distribuera aux gens de Gorkha.
Orangé, turquoise, jaune, vert, noir… les boubous, djellabas, jeans, leggins et pyjamas… les poucettes qui braillent, les valises à roulettes qui grincent, les sacs duty free qui débordent… On lit, on rit, on crie, on prie, aérogare bien remplie, châles, capuchons, chapeaux, casquettes et foulards…

20h30 . Aéroport Charles-de-Gaulle
Si j’avais les ailes d’un ange…

JOUR 2 . 11 mai . Abu Dhabi
Les femmes en noir, les hommes en blanc. Ils sont grands. Djellabas immaculées. Beaux même sous leurs voiles.
Etihad Airways, qualité de service et de produits, grande amabilité et courtoisie, belle présentation du personnel, à la fine pointe de l’équipement et… de vrais ustensiles, taille réelle…
Un immense espace circulaire, de tout pour satisfaire tous les besoins. Des pôles internet gratuit…

Quelques notes en attendant mon plat et je vais dormir.

Porte 22 . Embarquement vers Kathmandu
Une trentaine d’hommes, 5 femmes et moi… Quelques jeunes Népalais branchés, 3 occidentaux : un jeune, un homme des Nations Unies salué au passage, WFP/World Food Programme bien en évidence sur son dossard, un blond barbu de mon âge, qui croit m’avoir croisée au Sud-Soudan récemment… Tous les autres sont asiatiques, donc ascendants des Boliviens, Colombiens, Mexicains, Inuits…
Avec eux dans la navette… à proximité, l’émotion me gagne. On sent leur tristesse… et pourtant, ils sourient.
Une Amy Winehouse nous sert les breuvages, avec ses yeux agrandis au khôl, son gros chignon noir et ses lèvres pulpeuses d’un fuschia pétant. 
Le sol est de plus en plus accidenté et inhabité. On survole le Pakistan. De nombreux sillons laissés par des rivières asséchées et des escarpements… Là, une route qui serpente… une autre bien droite et une ville, d’immenses plis, des crevasses, des failles, et une tempête de sable ou, serait-ce un éboulement ? Et encore le plat… Les routes se multiplient, plus larges, plus droites et… ce nuage monstrueux, épais…

Je suis aux aguets, à scruter… Une grande percée, des routes rectilignes et larges, villes, lacs, bassins, rivières, grandes et petites… Un fleuve… c'est le Gange, nous survolons l’Inde. Et tout d’un coup, plus rien, le vide ! Un brouillard couvre le sol. Quelques flatulences nuageuses nous secouent le bout des ailes. Un cercle irise le soleil et l’enveloppe. Il pleut sur Kathmandu. La mousson est en avance.
Encore 1h de vol. L’équipage redouble de gentillesse, mais leur fébrilité est palpable. Les lumières parsèment le sol pendant que les éclairs percent les nuages sur l’Himalaya orageux. Un agent de bord tunisien vient me faire la conversation en français. L’aéroport est fermé temporairement, on ne peut pas atterrir et on tourne en rond au-dessus de Kathmandu.
Après 1/2h hauts perchés, on atterri… 4 avions à la queue-leu-leu.
Tout est conforme malgré l’anarchie et le brouhaha qui règnent à l’aéroport : bagage, visa, transport, hôtel, douche et… au lit.

De la terrasse du Shree Tibet, en plein cœur de Thamel.

JOUR 3 . 12 mai . Kathmandu . Anniversaire de Stef, 39 ans
5h de décalage avec le Maroc et 10h avec le Québec.
Petit déjeuner sur la terrasse de l’hôtel Shree Tibet. Il fait chaud, mi-soleil, mi-nuages, l’orage est loin. Les gens sont beaux et sympas. Dalaï Lama est là… porté par le cari et l’encens.
Capteurs solaires, réservoirs pour l’eau de pluie, antennes wi-fi… un pays écolo et très vert.
Nouvelles constructions qui s’inspirent des pagodes, 3-4 étages, tourelle, balcon, surcharge d’éléments décoratifs aux couleurs criardes, qui s’approchent du kitsch.

  
L'anarchie du réseau électrique est incroyable !

12h30 . La terre bouge… 7,3 c’est fort ! Les gars de l’hôtel s’accrochent aux poutres et au comptoir de la réception. 10 secondes…
Tout le monde se rue dehors et se masse dans la cour de l’hôtel chic d’à côté. Je reste dans l’encadrement de la porte à observer les gens. On ferme les boutiques et on rentre chez-soi. Je vais m’assœir et discuter un peu avec les gars assis en face. C’est fini ! Internet est revenu et la vie continue. L’hôtel est solide et sécuritaire.
Par contre, j’ai un problème avec ma carte Escale, je n’arrive pas à tirer d’argent. C’est la 1ère fois que ça arrive. Surendra, le directeur de l’hôtel, propose de lui envoyer l’argent une fois de retour au Maroc… Incroyable générosité !

Rue de Thamel, quartier touristique de Kathmandu

Un délicieux dal bhat, même si un peu trop « spicy », préparé par Sumit, le jeune cuisinier de l’hôtel.
Un californien venu faire le trek des Annapurnas, zone touchée par le séisme, est à la table à côté.
Les émotions de la journée m’ont épuisée. Je vais dormir. Ma chambre est au 3e étage. 

JOUR 4 . 3h du matin . Une secousse me réveille… je m’assœis. Quelqu’un dans la chambre voisine, comme moi, s’apprête à descendre. C’est fini ! Encore un soupçon, 1h plus tard. Même scénario, on amorce le saut du lit… et le jour se lève.
À partir de là, je dormirai avec la lampe de poche, les choses importantes dans mon sac et une robe facile à enfiler à proximité.
Manju, la protégée d’un couple de Français, avec qui j’étais en contact par le forum du Routard, est venue chercher des vêtements dans la valise que j'ai apportée. Le reste partira vers Gorkha.
Je l’ai accompagnée pour rencontrer sa fille Anju. Ils ont peur que leur maison s’effondre et vivent sous une tente.
Je suis passée par Durbar Square, la place des temples. Affreux ! Tout s’est écroulé.

 
Temple près de Durbar Square

Kathmandu est une ville chaotique, sans charme. La majorité des constructions s'entassent les unes sur les autres. Un grand manque d’organisation et de sécurité.

13h . Appel à la Société Générale pour signaler le problème avec ma carte. L’argent a été versé sur ma e-card plutôt que sur la carte Escale… Un stress bien inutile. 
Surendra me fait une proposition pour mon séjour et mes déplacements jusqu’à Pokhara, où il a aussi un hôtel.
Encore une secousse pendant la nuit, longue, à peine perceptible. Le monstre himalayen se calme petit à petit.

Bicoque de tôle construite à flan de montagne…

JOUR 5 . 14 mai . Chitwan
J’ai eu l’impression de revoir des paysages de la Bolivie, escarpements longeant la rivière, bicoques, camions aux décorations criardes. Une fois ici, la tranquillité au rythme du vent, de la rivière Rapti, qui bouge à peine et des éléphants qui se baignent sous le soleil humide.
Je lis sur le balcon, une secousse encore assez forte. Le sous-sol bouge en continu.

Le cornac s'occupe d'un seul éléphant.

JOUR 6 . 5h am . On m’interpelle alors que je voudrais dormir encore pour récupérer du stress accumulé. Un rhinocéros longe la rivière… Je descends endormie. L’approche des gens le fait fuir. Il traverse et disparaît dans l’herbe haute, sur l’autre rive.

Prismacolor sur papier Kraft. Même technique pour tous les dessins.
La petite fleur est restée collée.

Les ventilos s’évertuent par ce temps lourd et couvert. Il manque un jardin avec l’ombre des arbres. Je reste sur le balcon de ma chambre pour être tranquille, sinon ils s’approchent pour voir ce que je dessine, pour discuter… Le manque de touristes les rend curieux.


JOUR 7 . 16 mai . Départ vers Lumbini
Le soleil est toujours au rendez-vous. 1 famille népalaise est à l’hôtel. Les gens fuient Kathmandu. Encore une secousse, 4,8.
Bus local, 5h pour faire 180 kms. C’est boisé d’eucalyptus. Escarpements étourdissants ! La route en zig-zag est bonne, mais il roule trop vite pour la densité de la circulation. C’est un pays qui produit du ciment et les poids lourds sont nombreux, en plus des bus, des motocyclettes, des vélos, des piétons…

Les femmes sous le poids de leurs ballots…

L'hôtel n’a pas la qualité des 2 précédents. Situé le long de la route, tout y passe : tracteurs, camions, motos… On me sert un dal bhat infecte ! sûrement réchauffé du midi.

La flamme qui ne s'éteint jamais…

JOUR 8 . La nouvelle lune
Une tranquillité incroyable se dégage de ce site, immense ! où est conservée la flamme éternelle de la Paix, qui marque le lieu de naissance traditionnel de Siddhartha Gautama.

Grands espaces, arbres, bassins, lotus à souhait, temples et moines. Un endroit où l’on respire à fond.
Vélos, pousse-pousse, piétons et magots qui nous accueillent le long de l’allée menant aux temples. Chaque pays bouddhiste a le sien.
Le petit Musée conserve certaines pièces intéressantes, dont plusieurs sont rongées par les mites.
 
Je suis intéressée par celui où on peut voir la pierre qui témoigne du lieu de naissance de Buddha. On laisse nos chaussures à l’extérieur, pour se cuire la plante des pieds sur les dalles brûlantes. Des tapis nous mènent à l’entrée. Une estrade nous empêche de fouler le sol et contourne la pierre, conservée sous verre. Bel émoi !
À l’arrière, un immense jardin, où on peut voir les ruines des anciennes habitations. Les sièges sont aménagés en cercle à la base des arbres, auxquels sont attachés les drapeaux de prière.

C’est dimanche et il y a beaucoup de monde, dont un groupe d’Indien-nes. Je deviens l’attraction touristique. Elles veulent toutes une photo avec moi. J’en profite pour en faire aussi, que j’enverrai à Suhas qui accompagne le groupe, des femmes en majorité. Je suis Di Di, la sœur aînée.

Tiens ! On dirait bien 3 travailleuses du sexe et leur "pimp" aux cheveux rouges. 2 d’entre "elles" sont travestis. Intriguées, elles m'entourent… Je ressemble à la mère de la fille. Je me méfie un peu et je serre mon sac contre moi, tout naturellement. 
La plus petite veut une photo, elle pose. Le souteneur agacé les rappelle. Elles partent en se dandinant en m'envoyant des "bye-bye".

Les familles de magots bordent la route.

Au retour, je marche un peu à l’ombre des buissons, où se cachent les magots. Je suis sur leur territoire et l’un d’eux, un grand mâle, fonce vers moi et m‘agresse. Un autre arrive de la gauche et me confronte, m’incitant à rester bien au centre de l’allée, contrainte à cuire au soleil.
Je continue de ressentir de subtiles secousses aussitôt que je m’allonge… Serait-ce ma colonne vertébrale qui se déleste du stress accumulé ? Ou encore les meubles de mauvaise qualité qui chambranlent aussitôt qu’on amorce un geste…
Je pense à Tout bouge autour de moi de Dany Laferrière, où il relate quelque chose de semblable.

Des raisins pour la route…

JOUR 9 . 18 mai . Départ vers Pokhara
Encore une route sinueuse qui longe des précipices étonnants et des paysages à couper le souffle. Freinage d’urgence à maintes reprises. Je repense à Coroïco dans les Yungas en Bolivie, où on est souvent au-dessus des nuages.

 
Encore une construction à flan de montagne…

L‘hôtel est un peu en retrait de l’animation, très calme et confortable ! Surendra en est aussi le propriétaire.
La promenade en bordure du lac est très agréable ! Une atmosphère un peu « baba cool ». Le mobilier du Planet Purple est taillé dans d’immenses troncs d’arbres et des tiges de bambous, les coussins sont d’un vert mousse. Voilà d'où le style Vintage a tiré son inspiration, du Népal !

Les canots du lac Phewa

Mijas, le jeune serveur, me sert un café organique et me fait la conversation. Il me demande de ne pas m’inquiéter s’il revient souvent vers moi. Il a perdu sa mère récemment et je lui inspire confiance. Un jeune esprit pur, d’une grande gentillesse.
Le lac, le coucher de soleil, cette atmosphère de paix, tout est appréciable ! Je sens que je vais bien dormir.

JOUR 10
Maya : amour en népali. Aucun stress ici, la ville n’a subi aucun dommage et on s’y réfugie. Je vais y aller au gré du vent.
Artisanat intéressant ! Retour au Planet Purple. Mijas arrive et on dessine ensemble. Ce garçon est vraiment bien.

Encore un problème avec ma carte. C’est chiant !
Tout le monde nous offre de la fumette… Pas mal de réfugiés tibétains le long du lac, beaucoup de vagabonds aussi.

 
Une tibétaine et ses bijoux

JOUR 11 . 20 mai . Anniversaire de Roxane, 21 ans
Excellente nuit ! Il a plu un peu et ça m’a endormie.
Face au guichet ATM, une immense affiche ACT 4 QUAKE. Une boutique où aveugles et sourds-muets travaillent les produits d’artisanat en cachemire : Yes Helping Hands, ONG dirigée par Dinesh, qui aide les villageois dans le besoin. On me dit de monter à l’étage du resto La Pizzeria, on me donnera des infos.
Peter et Tadjana, Australiens, m’expliquent rapidement qu’on va entamer la phase 2, la construction d’abris. Réunion à midi.
Une 20taine de personnes, dont Étienne et Stéphanie, Québécois un peu épuisés par les semaines passées à la phase 1, la distribution de nourriture. Ils partent bientôt. Peter et Tadjana restent malgré la fatigue.
Dinesh, Iren et Nick partent demain en éclaireurs pour voir où il est pertinent de construire des abris.

Après la réunion, on termine de remplir les sacs de nourriture pour les villageois. 25 kgs par famille : riz, soja, lentilles, nouilles, sel, médicaments.

JOUR 12 . 9h am
On arrive et on s’installe sur les divans. Les équipes se reforment et on prépare la journée de travail. À la communication visuelle, je crée le logo ACT FOR NEPAL et un pdf à télécharger sur le site : yeshelpinghands.org.
L’atmosphère est tout simplement géniale ! Tous travaillent avec cœur. Entre 20 et 40 ans, Allemagne, Angleterre, France, Hollande, Inde, Israël, Italie, Népal… de partout… Ils vivent dans le quartier hippie. Je suis la doyenne, Di Di pour eux aussi, "the big sister".

 
Appel à la banque, on ne semble pas voir l’urgence de la situation. J'ai tiré de l'argent à Kathmandu, donc la carte fonctionne… Il n’y a aucune communication entre ceux à qui j’écris et ceux à qui je parle. C’est insensé !
Il me reste 105 roupies et 5€. Cindy me file 1,000 roupies en attendant. Je pourrai enfin manger un dal bhat. Je lui ai échangé 1U$ contre 100 roupies hier, pour acheter des arachides. J'avais utilisé 1U$ pour acheter du fromage de Yak, un peu difficile à digérer…
La carte a été bloquée pour vol. À Marrakech, Zineb et Sibylle vont voir ce qu'elles peuvent faire.
Je dois aussi renégocier mon forfait avec Surendra, je paie trop cher. En plus, mon petit-déjeuner est inclus et c’est pour un ogre : jus, café, mueslï, yaourt, rôties, patates rissolées et œufs… Je ne mange que le mueslï. Je leur demande de me préparer les rôties et d’y trancher une petite tomate. J’aurai un sandwich, accompagné d’amandes, quand j’aurai faim vers 3h.

  
Vue sur le Stûpa de la Paix

Il pleut ! Une ondée qui rafraîchit l’air. C’est fort, ça dure 1/2h et le soleil revient se coucher sur le lac, paisiblement. Cet endroit est merveilleux ! tout comme ses gens, aimables, réservés, curieux, ouverts, pacifistes. Je n’ai jamais entendu de cris ou de bagarres. On discute tout bonnement.

16h . Peter entre : « Di Di ! On a besoin d’un t-shirt pour l’équipe qui part dans les villages. »

 
JOUR 13
Logo et pdf livrés !
Rajû, le jeune serveur de l'hôtel, à voir mon air un peu déconfit, m’offre une soupe aux nouilles.
Demain est un autre jour…

Le soleil se lève sur les Annapurnas.

JOUR 14 . 4h am
Je continue de me lever très tôt, de faire mon yoga et de manger un mango, acheté à la boutique en face.
Je grimpe sur le toit où les corbeaux, couleur de cendre, tournoient en croassant. Après l'aube, la blancheur des sommets disparaît dans la lumière éclatante du soleil.
J’aime ce que je vis ici… Je ne sens pas encore le manque d’argent, depuis le mardi 19 mai. J’apprends à perdre ma peur du lendemain et à faire confiance. Je n’ai pas encore eu faim, et je me sens très bien !
En passant devant l’ATM de la Nabil Bank, avant de monter à La Pizzeria, je m’arrête pour voir si la carte fonctionne… C'est presque l'euphorie en entendant les billets dégringoler dans le tiroir. ÇA Y EST ! C’EST DÉBLOQUÉ ! Je reprends le 1U$ échangé à Cindy et je lui rends son billet de 1,000 roupies.
Je travaille sur le t-shirt, pendant que les autres, dans la cour arrière, apprennent à monter un abri. 

Étienne donne quelques détails de construction.

JOUR 15
Départ de Stéphanie et Étienne. Ils laissent la petite chatte tigrée qu’ils ont recueillie avec Peter et Tadjana, qui semblent tenir le coup… Peter me demande de créer un sac de coton pour la boutique. 
La construction d’abris dans les villages impliquent d’énormes responsabilités et des dangers pour les volontaires. On nous interdit d’y aller si notre départ est prévu à moins d’une semaine. C’est mon cas. Je ne serai plus là à leur retour. 

JOUR 16
Rencontre de Surendra, qui propose de planifier mes derniers jours vers Bandipur et retour vers Kathmandu. Je vais réfléchir…
S’il n’accepte pas d’inclure ces jours supplémentaires dans le forfait, j’irai m’installer chez les hippies, comme tout le monde.

Il y a de l’excitation à La Pizzeria. On charge les camions et le bus. Le départ est pour demain matin.
Le sac est terminé et approuvé. Les pdf’s sont remis à Laxman, qui s’occupe des impressions.
Peter lance un appel à la bière. Je partage ma Calsberg avec Cindy. Le seul alcool que j’ai bu en 1 mois.

JOUR 17
Après les photos de la cordillère sur le toit, entourée des corbeaux, je rencontre Surendra, qui m’écoute tête baissée. Il admet que mes revendications sont justes et que j’ai droit à quelques faveurs, étant là pour aider les Népalais. Le forfait initial couvrira les jours supplémentaires, payable au retour à Kathmandu. Il m'a toujours fait confiance, appréciable !

Lieke, Franziska, Iren et Momo, la petite chatte, sont déjà installées sur les divans. Nous assurons une présence pour répondre aux besoins des 18 personnes qui sont parties à 6h ce matin.
Je vais faire quelques courses. Une pièce de tissu, qu’on taille et coud en 1h. Je croise Mijas sur la rue. Je m’arrête dans un resto Newar, tout ce qu’il y a de plus Vintage. À la petite terrasse, vue sur le lac, je commande des momos, petites pâtes fourrées de légumes, qu’on trempe dans une sauce "tomatée". Dommage ! pas de thé au beurre de yak…

 
Les vaches sont de toutes les parties… 

Au retour, l’orage m’oblige à entrer dans une boutique, où j'achète du thé. Je discute avec le patron. Il attend un groupe d'Anglais, pour aider à construire des abris.
Ce sont les Népalais qui sont impliqués dans les actions directes auprès des villageois. La communauté internationale planifie des interventions d’envergure, qui laissent les gens dans le besoin.
Je traverse la rue où se trouve mon cyber habituel… connexion rapide ! Je rentre sous une pluie fine et froide, l’écharpe sur la tête, comme tout le monde.
Je lave les vêtements que je veux donner : 1 robe, 1 t-shirt, 2 débardeurs, chaussettes, pansements, brosse à dent et couverture récupérées chez Etihad Airways.

Sommets des Annapurnas, un matin à l'aube

JOUR 18 . Encore 3 secousses pendant la nuit…
Les Annapurnas se couvrent de nuages, la mousson arrive. Les gens ont un urgent besoin d’abris.
À peine sur la rue, mon petit sac à la main, je croise une jeune femme qui porte son énorme panier plein d’herbes. Elle prend le sac d’un air sceptique et le glisse dans le fond de son panier…
Il n'y a personne à La Pizzeria. J’en profite pour aller négocier mes écharpes en cachemire.
Je n’ai aucune douleur arthritique ici. Il y a quelque chose de psychologique dans tout ça… le magnétisme des montagnes ? La Bolivie m’avait aussi guérie de l’eczéma…

Soleil plein ciel, qui se couvre à la fin de la journée.

Je vais saluer Mijas. Il me parle de son projet d’agriculture pour mieux nourrir son peuple. Quelle belle idée !
Je retourne à l’hôtel avant la pluie.
Je n’aurai quitté La Pizzeria que pour aller me reposer et dormir, jusqu’au départ des gens pour la construction des abris.
Et je n’ai jamais eu faim, même en période de disette. On m’offrait parfois à manger sans même savoir que j’avais un problème.

JOUR 19 . Jeudi 28 mai . Départ pour Bandipur
Je discute avec Rajû, le jeune tibétain qui m’a servi le petit-déjeuner presque tous les jours. Il me posait des questions sur ma vie, mes croyances et mes habitudes… Il fait de la musique et du Break Dance et dit qu’il veut voyager. Je lui parle de Dharamsala…

 
World Peace Stûpa

NAMASTE ! Mijas, Dinesh, Rajû, Surendra, Sumit, Cindy, Peter et Tatjana, Stéphanie et Étienne, Marion et Charlène, Lieke et Wart, Deborah, Nick, Jérôme, Omer, Iren, Franziesca, Paul, Momo, la petite chatte cajolée par tous, Cameron, Laxman, Nelson et tous ceux que j’ai croisés à Pokhara, qui ont donné une partie de leur cœur pour les gens dans le besoin, avec engagement, amour et paix. Je suis remplie de ces sentiments.

WOW ! Impressionnant ! Tous les sommets des Annapurnas sont là sous mes yeux. Impossible de prendre une photo, trop d’éléments gênants et le bus qui file à toute allure… Je grave ça en mémoire.

Une photo hors du temps…

Dumre . J’achète de nouvelles tongs en attendant le bus. Rencontre de Rajû, qui m'invite à une réunion l’après-midi au village. Des ingénieurs de Kathmandu viennent pour construire des abris.

Bandipur . L'hôtel est situé en retrait du village, dans une belle maison, solide et de bon goût. C'est derrière une zone dévastée, où plusieurs abris seront construits. Ma fenêtre donne sur l’Himalaya, qui se cache encore derrière les nuages.

Place centrale à Bandipur

Beau village traditionnel Newar. Je trouve une couturière pour améliorer ma petite robe népalaise. Et pas de connexion internet pour l’instant.

Massés dans la cour de l’école, les ingénieurs répondent aux questions des villageois. J’y retrouve Rajû. Ils sont prêts à monter le prototype. 
Les enfants sont curieux et m'adoptent. Je suis encore Di Di.

 
 
Zone dévastée de Bandipur. Le maïs est resté debout.

Trop drôle ! il faut que la dame arrache quelques plants de marijuana pour dégager et aplanir le sol où sera monté le 1er abri. Il y en a partout, dont un énorme à côté de l’enclos des chèvres. Celui-là, on n’y touche pas…

Beau gros plan de cannabis

J’apprends que le propriétaire de l’hôtel où je loge est responsable de cette intervention. Encore un Népalais !
Les ingénieurs sont satisfaits de leur journée. Ça picole et rigole…

Les nuages couvrent toujours l’Himalaya.

JOUR 20
La connexion internet est revenue. Plusieurs messages de gens inquiets. On sait pourtant à quel point les informations sont biaisées. À qui aurait le meilleur scoop, la photo la plus dramatique. Les conditions sont très bonnes, je le répète sans arrêt.

12h33 . Encore une bonne secousse. Les plaques continuent de se déplacer.

15h30 . Et encore une ! Courte, sûrement autour de 4…
Je m’installe pour dessiner dans le jardin, face à la montagne. Amir et Bishal viennent me faire la conversation. Gentils, polis, presque raffinés et curieux, ce qui s’ajoute encore aux qualités que j’attribue aux gens de ce pays.


JOUR 21
Je resterai ici un jour de plus. C’est tranquille, sécuritaire et j’y mange bien. 2 garçons s’occupent de l’hôtel, un à la cuisine et l’autre aux courses et au service. L’entretien laisse tout de même à désirer…

Au village… photos des enfants, qui semblent heureux. Cyber et achat de fil noir pour ma petite robe népalaise, encore ! Je m’arrête à la « Bakery » pour ses muffins au chocolat et un Massala Tea.

Les femmes fument beaucoup… sûrement du kif. Y en a partout ! Elles semblent très fortes. Pas le choix… machisme, vie difficile, rien et parfois moins que rien pour assurer l’équilibre familial.
J’aime bien cet endroit, sur le bout de la montagne. C’est calme, malgré le monstre himalayen…


On prévoit construire 80 abris dans le secteur.
La base est de métal et de tôle, on termine selon ses moyens.

Les garçons partent vers le village. Les ingénieurs doivent y être aussi. Ils retournent à Kathmandu demain.
Oh ! ça se couvre, le vent se lève… coupure de courant. Un orage frappe de plein fouet… L’endroit est très bien, mais m’y retrouver toute seule, sans lumière, en plein orage, ne me plaît pas vraiment. L’eau s‘infiltre dans ma chambre. Je me sens mieux dehors, sur le balcon. Quelle force ! Au moins, les ingénieurs reviendront dormir.
Ça semble se calmer un peu.
Tiens ! la lueur d’une torche. Les garçons reviennent sous la pluie. Ils rétablissent le courant.
C’est vraiment le début de la mousson.

La réverbération du tonnerre sur les montagnes est assourdissante !

JOUR 22
Au Old Inn, un café organique préparé dans une petite cafetière italienne, servi face aux montagnes vertes et vallonneuses, sur des tables de bois et d’ardoise, très Vintage !
Les jeunes sont beaux et branchés. Ils ont les cheveux longs, des dreads, en jeans et t-shirt, comme partout ailleurs.

Et 1 abri de plus pour les villageois de Bandipur !

Je resterai à l'hôtel pour terminer Flash, le témoignage de Charles Duchaussois, devenu junkie à Kathmandu et rapatrié sanitaire à peine 6 mois plus tard. Ce récit est terrible et poignant !
On a pourtant pas besoin de drogue pour planer ici. Il s’agit de se laisser absorber par les paysages du toit du monde. 
L’orage frappe encore, toujours en fin de journée. Pour ne pas me laisser seule, les garçons ont invité leurs amis.
Je suis installée sur le balcon à lire, avec un Massala Tea. Un des garçons montent et m’offre des bougies. L'autre, dont l'accent est presque incompréhensible, vient me dire qu’ils seront à la maison à côté si j’ai besoin de quoi que ce soit. Délicatesse !

Il est là et pourtant…

JOUR 23 . 1er juin . Retour vers Kathmandu
Le lever du soleil dessine un léger contour rosé, qui titille mon regard. Il s’étend sur tout l’horizon, appuyé sur une couche de montagnes nuageuses, tel le cachemire sous la gorge de la plus belle petite chèvre blanche.
Les femmes ressemblent à maman et à ses sœurs… à moi aussi. C'est maman en Asie et papa en Amérique du Sud. Et nous y voilà !

On dirait Chefchaouen…

Et combien de Marocains j’ai eu l’impression de voir sous ces traits népalais ? petits sous l’effet de l’altitude.
Le Californien rencontré au Shree Tibet monte aussi dans le bus. Encore une route sinueuse, beaucoup de camions alourdis par le ciment, les bus, les motos, avec la famille à l’arrière, comme au Maroc… La terre est orangée, pleine de fer. Les ponts suspendus sont fantastiques !

Dumre. 1 mini-bus, 1 place, je monte…
À l’abord de Kathmandu, les hommes jouent aux cartes devant les maisons. On fume du kif ou du haschisch, on boit du Coca-Cola ou de la Tuborg, en mangeant des Lay’s… comme partout. Moi, je carbure au Massala Tea, dal bhat et noir Cadbury.

Circulation au centre de Khatmandu

Khatmandu . Accueil chaleureux au Shree Tibet. Dans la même chambre, je prends une douche et sors pour manger et faire mes derniers achats.
Cet achalandage m’agresse ! Le Jatra Café est très branché, jazzy, mais je suis décrochée. Je bois rapidement mon Ginger Lemon Tea et je file. Je n’ai plus envie de cette superficialité, malgré la beauté des fenêtres en dentelle de Kathmandu.
Vite les achats ! Retour à l’hôtel, messagerie et lecture.
Le Californien me raconte les Annapurnas, presqu'en ruines…


JOUR 24 . 2 juin . Bodhnath
Impressionnant ! Cette immense stûpa, le plus grand du Népal, nous absorbe complètement. C’est le centre bouddhiste du pays, la tête un peu abîmée par les fortes secousses. Les pèlerins y viennent pour rendre un hommage à Buddha, pour prier, pour faire des offrandes, ou par curiosité, comme moi.

On y passe pour faire tourner le moulin à prière…
Le stûpa est cerné de kiosques, boutiques, restaurants, hôtels… très touristique et je n’en peux plus.
Encore un Ginger Lemon Tea sur une terrasse, regard de Buddha bien en face. Ça suffit ! retour à l’hôtel, où on m’offre mon dernier repas.

Ce pays m’aura ravie du début à la fin. Ce sont toujours les gens les plus démunis qui donnent le plus, sans compter. Ils ont l’habitude de partager, ne serait-ce qu’un grain de riz…
À l’aéroport, le 1/3 des voyageurs sont des touristes. C’est drôle ! sur la fiche de renseignements, on a le choix entre : homme, femme ou autre…
Mon sac orangé fait maintenant 7 kilos. Le vol est à 21h10.


JOUR 25 . 3 juin . Abu Dhabi . 00h20
Je dormirai. On nous sert une collation, que je prends avec moi.

Paris . 07h45
10 heures d’attente et je n’ai pas envie de sortir. Fouille en règle. J’ai bien failli perdre mes 2 shiloms… Non ! je ne fume plus de haschisch. Non ! je ne dirai pas pour qui je les ramène.
Tout était si bien rangé. Le gars est très sympa, malgré son air grognon. Il ne garde que ma bouteille d’eau.
Je m’offre un petit-déjeuner avec mes 5€ et je prends le temps de refaire mes sacs. 
Enfin le calme ! Je m’installe près des fenêtres et je retouche ma petite robe népalaise. Je mange ma collation et je lis. J’ai commencé Les chemins de Katmandou. Je ne me serais pas sentie aussi bien si j’avais lu ces 2 histoires avant le voyage, même à des années de cette époque éclatée.

L'avion se perd dans l'océan, vers les Îles Canaries.

17h50 . L’agent de contrôle est Marocain et d’une gentillesse professionnelle très appréciable.
Le repas est un délice ! Un mélange d’oignons, d’amandes effilées, de pruneaux, de raisins et de brocolis. Miam ! Une petite bouteille de vin blanc et je dors.

Casablanca . 19h55 . Glace au chocolat Häagen-Dazs.

Marrakech . 21h40
Zineb et François sont là avec de quoi manger pour demain. Quelle gentillesse !
Je rebranche le frigo, le chauffe-eau et on placote un peu. Je leur offre leurs présents, tout en racontant ce qui m’a marquée le plus. La gentillesse des Népalais, leur conscience de la nature, de l’essentiel… pas de superflu, de baliverne, d’éloge à la société de consommation. Leur implication directe auprès des sinistrés, se donnant corps et âme pour leur peuple pacifiste et courageux.

Je veux un petit parasol comme le sien…

Ne pas oublier qu’ils sont bouddhistes en majorité, philosophie qui implique l’acceptation de l’autre dans toute sa différence. Signe d’ouverture et d’intégrité. À partir de là, pas de conflit possible.
Ils ont apprécié notre présence. On était là pour eux, pour les supporter et les aider, comme on le pouvait.
Je crois que ce voyage est le plus important et satisfaisant que j’ai fait de toute ma vie.

Entre l’Inde et la Bolivie, il y a le Népal.

Un voyage enrichissant, et le mot est faible. J’ai appris beaucoup de choses, surtout sur moi-même, et il va de soi que je ne voyagerai jamais plus de la même manière. Ce sera dorénavant dans un but humanitaire où que ce soit dans le monde.

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