samedi 23 mars 2013

Diana Jones chez les Abyssins…


Mon petit sac orangé et ses 3,8 kilos, à l'hôtel Taitu.

jour 1 . Addis Ababa, “la nouvelle fleur”
18 février 2013 ou 10-06-2005 selon le calendrier éthiopien. 3h à l'est de Marrakech…
Arrivée à 3h30 heure locale. Une équipe de 3 personnes nous délivre le visa à l’aéroport : 17 €.
Trop tôt pour ma réservation au Taitu Hotel. J'ai dormi très peu, sur un divan à l’étage, dans une salle où tout le monde circulait.
J'ai pu intégrer ma chambre vers midi. Après la douche, le guichet, un buffet végétarien et une sieste, j'ai dessiné en dégustant un café. Il est bon !
L’hôtel est dans un état lamentable. Il a l’avantage d’être bien situé, à Piazza, le quartier branché de la ville, et d’offrir un buffet “vegan” le midi et parfois le soir. Toujours plein ! Les Éthiopiens y mangent les mercredis et vendredis, jours sans viande, “fasting food”.
En constatant le manque d'entretien de la salle de bain, j'avais de l'eau aux chevilles dans la douche et il ne restait que la moitié du siège de toilette, j'ai demandé à être changé de chambre. En sortant, je leur ai dit : "Avec tout l'argent que vous gagnez, vous pourriez au moins prendre soin de vos équipements." en soulignant l'absence du siège de toilette. À mon retour, on avait installé un siège de toilette tout neuf, qui s'est cassé aussitôt que je me suis assise…
Sur la rue, ils sont jeunes et sympas, colorés et un peu rastas… Je bougerai aussitôt que j'aurai vu Lucy.
Addis Ababa est une grande ville africaine, sans charme apparent.

Dinknesh, "la merveilleuse", Lucy pour le jet-set…

jour 2 . Musée national . Musée ethnologique
Dinknesh, l'arrière-grand-mère du monde bipède, repose bien en paix au Musée national entourée de spécimens plus anciens, dont Ardipithecus Ramidus et ses 4,5 millions d'années, Seulam de 100,000 ans son aînée et bien d’autres plus jeunes. Elles sont les nobles représentantes d’Australopithecus Afarensis, le chaînon manquant selon Darwin. En Éthiopie et Tanzanie depuis 3,8 millions d'années.
Les jeunes Éthiopiens visitent leurs Musées, appréciable ! Ils sont beaux, calmes et souriants. Une grande gentillesse, qu'on sent naturelle et désintéressée, assez rare ! Plutôt petits et minces, ils ont parfois un air branché… d'ailleurs toujours au téléphone ou sur internet.
On m'a déjà abordée 2 fois en français. On dit que j'ai l'air de vivre ici, simple et calme, comme eux. Il faut dire que la chaleur aide un peu… et sans montre, ni téléphone…
Les femmes sont très présentes partout, sur la rue, dans les cafés…
L'arabe ancien ou l'amazigh, comme l'amharic.
Le mot du jour : “ameuseuganallõ !” : merci !


jour 3
Il fait de plus en plus chaud. Ce sera pire au sud… J'ai aux pieds les petites chaussures rouges Sole Rebels. Bethlehem, très sympa, en est la créatrice. J’ai aussi visité une galerie d'art tenue par une femme peintre. Dynamiques ces Éthiopiennes !
Les filles veulent être sexys, selon leur moyens… cheveux colorés, vêtements ajustés, talons hauts… Elles rient de mes grandes culottes orientales… sauf les musulmanes, évidemment ! Pays laïc, où les religions se côtoient, en paix relative.
Wow ! des poubelles partout, beaucoup de mendiants et petits clochards. Selon un jeune chauffeur de taxi, ils sont pauvres parce qu'ils refusent de travailler, préférant mendier.

Haile Selassie dans ses appartements, au Musée ethnologique
jour 4
Addis Ababa, la nouvelle fleur, est en chantier. L'Abyssinie est devenue une terre courrue par les étrangers. Les investissements affluent et la progression du pays est fulgurante. Capitaux de partout, les Chinois, l’Union européenne… pour tout : enfants, eau, santé, éducation… et les routes… 
Beaucoup de petits métiers : nettoyeurs et cireurs de chaussures, agents de la circulation et de stationnement, balayeurs, vendeurs de tout, partout…
Des sourires chaleureux de gentillesse. Un calme ensoleillé et du café, des rues défoncées et du café… Et les chats, sûrement pas tous descendants directs de l'Abyssin…
On entend les Éthiopiques partout, comme à la maison.
Têtes à la Rim et Montasser. Jeunes branchés, “smart phones” et internet sur les claviers sans accent des cybers. Beaux et souriants : “Hey sister!” autant de “dreads” à la rasta. Après "sister", ce sera "mother"…
Ne pas oublier le Prince Ras Tafari, abolition de l'esclavage et Empereur Haile Selassie en 1930. L’orthographe est différent ailleurs : Hayila Sillasee.
Les madames sous parasols et les femmes entrepreneures : art, cinéma, affaires… dynamiques et colorées, de la tête rouge aux pieds Sole Rebels.
Éthiopie, pays au naturel, papier, jute et coton.


jour 5
Le soleil est toujours au rendez-vous. 13 mois de soleil par année semble être une vérité.
Je peux faire mes bagages, profiter du buffet végétarien de l'hôtel et relaxer un peu. Addis Ababa, malgré son effervescence, n'est pas une ville agréable. Chantiers, chantiers et chantiers… et plus que de l’anarchie, c’est du fouilli…
Ils boivent beaucoup de bière. Les rastafaris fument la ganja, interdite. Et tous ceux qui “machouillent” le chat, qat, khat, “Flower of Paradise”, qui rappelle la feuille de coca.


jour 6 . Hawassa . Vallée du Rift
5 heures de route en 4X4 Toyota, sur le siège avant pour ne rien manquer du spectacle à l'abord du lac Ziway. Plutôt impressionnant de glisser le long de cette faille qui a provoqué l'apparition de l'espèce humaine et qui fera un jour de la Somalie une île, tout comme Madagascar. Une grande crevasse où se sont formés les lacs.
Lewi Menehara Hotel, ce sera l'endroit le plus confortable du voyage et à bon prix. Grande chambre très propre, salle de bain bien aménagée, télé avec câble et à proximité de la station de bus.
Douchée et sustentée, je vais dormir tôt pour explorer les rives du lac demain.


…vraiment belliqueux !
En bordure du lac Hawassa et ses grands oiseaux

jour 7
J'ai attendu patiemment la soirée des Oscars, avec des heures de décalage, surtout pour voir et entendre Daniel Day-Lewis. Vers 5h du matin, 1/2 heure avant la fin, quelqu'un a dû marcher sur le câble de la télé à l'extérieur et je me suis retrouvée devant le crépitement enneigé de l'écran…
Mercure rétrograde… Pleine lune en Vierge…
Arrêter de penser, relaxer et se laisser glisser le long de la Vallée du Rift, sur des kilomètres de steppes, de montagnes et de lacs.
Hawassa est une ville organisée et presque moderne. La rive du lac est peuplée de grands oiseaux et de petits arrêts pour boire et manger.
Kuark ! Kuark ! des cigognes hautes perchées et regards belliqueux des marabouts.
On s’accolade, donnant la main en croissant les épaules, la droite sur la droite.
"Blondy, flashy girl"… bien grimée et montée sur 6 centimètres. Cheveux lissés au fer et boudins à la Chastain. Vêtues de blanc, écharpe au vent… Verres fumés, chapeaux à la mode et chaussures qui façonnent l'identité.
Encore guidée par le son des Éthiopiques et l'odeur du café.
“Mango, mango te quiero ! Mango !”

Petite chambre toute simple du bungalow,
au “Bekele Mola Hotel” à Sodo

jour 8 . Sodo
Bus local bondé, genoux au menton. Route fraîchement pavée. Villages rudimentaires organisés et balayés. Maisons de toutes les couleurs. Tonalités de vert, bleu, violacé, rose et jaune… sur une terre rouge.
De vrais trottoirs… même si on pisse encore le long des murs. Coupure d'eau. Rappel du Mali, on se lave au seau. Économie de l'or bleu…
Fin de la journée avec Anouck sur Skype.


Départ vers le sud…

jour 9 . Arba Minch
Vent, bourrasque, pluie et moustiquaire. Coupure de courant, l'eau est de retour.
Les jeunes en bande me font peur, dans les rues et près des stations de bus.
Les grands minces ont un style Nubien ou Abyssin.
Perruques lissées ou tressées.
La Vallée rétrécit, la route aussi. Le vert domine le long des lacs Abaya et Chamo. Région de coton et de café.
Égypte, Inde, Bolivie… Ébène, chocolat, café au lait… Petits yeux ronds, en amande ou bridés… Pommettes saillantes… Nez empâtés ou effilés… Lèvres minces ou charnues… Profil plat… Les faciès se rencontrent. Ils ont la couleur de la terre. "Cradle of Humanity"

Souriante et colorée, dans son tuk-tuk…

jour 10 . Konso
Bière en soirée avec… j'ai oublié son nom. Un bozo du Zimbabwe qui cherchait à partager la route, les frais, la chambre… la couche ? Non merci ! Pas de discours, que du "fun" au menu. Ciao coco !
Mini-bus vers Konso, 3h ½ sur le bout des fesses. On prend tout le monde sur la route… sauf les troupeaux, chèvres, vaches et bananiers.
Vacances scolaires. Ils étudient. Sage-femme, pharmacien, comptable, professeur… Ils sont fiers. Elles sont aussi policières… et chauffeures de tuk-tuk.

Gédéon, le gentil petit serveur de l'Ecolodge, qui avait
installé une banderole "Happy Birthday" près des tables.
Huttes avec douches et toilettes écologiques…
et moustiquaires, svp !

J'ai 57 ans au sud de la Vallée du Rift, "Strawberry Fields EcoLodge". Sans fraises et gâteau au chocolat. Un Irlandais a construit de petites huttes, tout ce qu'il y a de plus écolo. J'y serai quelques jours à ne rien faire, relaxer, dessiner… avant de reprendre la route vers la région du café.
Air pur, sans stress, vie simple, écologique et naturelle.
Gédéon nous sert la soupe. "Ocholoni" dans le riz aux légumes : louss, cawcaw, mani, peanut, cacahuète…


Rencontre de Stanley, volontaire anglais, voulant aider aux travaux pendant son séjour. Végétarien lui aussi, on a partagé nos cacahuètes.
J'ai une pensée triste pour feu Joseph, qui voulait me baptiser Diana. Ici, c'est une marque de savon de beauté.

Femme Konso et son enfant
jour 11
Le coq n'est pas frustré par le muezzin. Le lever du soleil lui appartient. Et tous les oiseaux entonnent librement…
"Hey ! you faranji !" me toucher, me parler, m’aider… avec mes 10 mots d'Amharic.
Une nation réservée qui s'émancipe. Humains, beaux, souriants, calmes et d'une gentillesse trop vraie pour être abusive.
Le peuple Konso, mélange parfait de l'Afrique et de l'Asie.
Je me sens comme un haut-contraste de quantité. La tache blanche sur un fond noir…


Mango ! Mango, te quiero ! Mango !

jour 12 . Retour à Sodo
Le mini-bus se remplit, encore 4 personnes et on part. Tronçon sans goudron. Villages de terre battue, huttes et grande pauvreté… en loques.
Beaux sexes nus dans les rivières.
Les ânes sont gris, comme au Mali, une seule zébrure au cou.
L'aventure se poursuit vers l'ouest et la région du café.
“Avocado, te "mango" !”

Rue principale à Tulcha

jour 13 . Tulcha
À la moitié du voyage…
Il pleut la nuit. Ils sont heureux que je voyage avec eux, comme eux. On m'offre la meilleure place.
La route rouge et sinueuse, rocailleuse et poussiéreuse, bordée de vert. À flan de montagne. Splendide Vallée ! On descend, on descend… vers Wakka et Tulcha. Fin de la saison sèche. Je finirai par rencontrer la malaria…
Hôtel Engeda, le seul "in towny". Tous les services y sont offerts, sauf internet. Chambres, resto-bar, filles bien en couleurs… de l’action toute la nuit…
Je n'ai pas dormi.

Face au bar de l'hôtel Engeda
jour 14 . Jimma
5h du matin, le muezzin et le coq ont chanté. Les téléphones sonnent…
On prend soin des “mamas”. Ne savent pas que j’ai refusé de l’être… J’ai encore la meilleure place.
Sur la route, la musique rythme les virages au gré du “chewing gum” du chauffeur. Dans les "Highlands", des paysages à couper le souffle !
La majorité des femmes se couvrent la tête, sauf celles à la mode, défrisées et boudinées. D’autres portent le “chaddar”.
Rencontre de Solomon, responsable du cyber. Je ne serai pas Balqis, sa reine de Saba.
Bière et repas du soir avec Michelle, retraitée Belge, plus routarde que moi. Elle a toujours dormi dans des chambres avec douches communes.
Un tee-shirt et une jupe laissés derrière moi…

…sur la rue

jour 15 . Mizan Tafari / Western Highlands . 1,451 mètres d’altitude
6h de rodéo sur les routes en construction. Les choses sont sûrement planifiées. On s’occupera ensuite du Soudan. À qui appartiendront ces pays ensuite ?
Les babouins suivent le bus en quête de nourriture.
Discussion avec 2 étudiants pendant le trajet : Endale et Eritrea.
Tout le monde vit dans la rue, vu l'état des maisons… Je comprends mieux les gens au Maroc. Ce devait être à peu près la même situation il y a 20 ans.
Moins de têtes à la mode…

Enfant pris sur la route, au retour de l'école.
Bungalow de la "Coffee Plantation Guesthouse"

jour 16 . Tepi / 1,238 mètres d’altitude
Le coq a encore chanté avant le muezzin. Un bel orage pendant la nuit. Ce sera vaseux dans la brousse aujourd'hui : Éloquine 250 et moustiquaire.
Eh ! ben, un tocsin en plus ! Tout le monde y est ! Les chats aussi… et de recocorico !
1h 1/2 de route… encore en rodéo. Les routes éthiopiennes seront bientôt "brand new". Le trajet me rappelle Coroïco, en Bolivie. On longe la montagne en effleurant les précipices.
Tepi est une très jolie petite ville, chaleureuse, aérée et verte. Je loge à la "Coffee Plantation Guesthouse", un petit paradis… au bout du monde. De petits bungalows entourés de jardins, à proximité de la plantation.
Tout le monde vient y manger. Moi, je m'y repose. La madame aux cheveux rouges s'occupe bien de moi, même un peu trop !
Kassahun, un jeune professionnel, est venu discuter. “What is your mother’s country ?” Ethiopia ! ai-je répondu… Et la religion vient toujours trop vite dans la conversation.
Demain, je ne bouge pas.

Repos : manger, dessiner, écrire, dormir…
On prend soin de l'environnement…

jour 17
Repos bien mérité. Un endroit merveilleux pour se réveiller ! 6,290 hectares de café. La fève qui a conquis le monde. Il sent et il est bon !
Entre le 5e et le 10e siècle, on observe l'excitation des oies après la consommation du "Fruit du Diable", nommé ainsi par les moines. Ils ont vite réhydraté ce fruit séché qui permettra de prolonger leurs prières la nuit… Les Arabes ont importé la fève et les Turcs l'ont moulue au 15e siècle. Le café est entré en Europe par l'Italie, ensuite en Indonésie et selon le récit de Loïc, en Amérique par le Brésil.
Je continue ma route demain. Je remonte vers Addis Ababa. Je verrai pour la dernière semaine…
C'est assez agaçant d'être la curiosité de l'endroit. Sur mon passage, j’entends Chinoise, Indienne d'Amérique… Mon profil plat me trahit.
J'ai terminé la journée à discuter avec Adam, jeune et sympa. Il a demandé poliment s'il pouvait se présenter. Ils ont cette attitude spontanément, par curiosité et besoin de communiquer. Pas toujours évident si on a besoin d'être seule. Il a créé sa propre école, où il enseigne l'anglais. Son allocution est parfaite. Il a aussi abordé le thème de la religion. Je lui ai dit que je croyais que la religion n'était que de la politique et que nous vivions actuellement des guerres de religion.

La femme à qui j'ai donné le "drap-en-cas".

jour 18 . Metu
5h du matin. On m'accompagne à la station de bus, à la lueur d’une lampe de poche et à l'odeur du café qui grille. Le bus est déjà plein. "Masha ! Masha !" On m'interpelle, un autre bus se remplit. On se rue. On se bouscule. On occupe tous les espaces disponibles. On m'offre une place, les pieds sur mon sac. Malgré ses 3,8 kilos, il ne loge pas dans le porte-bagages au-dessus des sièges.
6h, le soleil se lève. Tous les bus partent en même temps dans toutes les directions.
Aucun transport public entre Masha et Gore. On doit attendre le passage d'un véhicule… Je partage mon banc de fortune avec 2 étudiants. Elle se rend à Gore, comme moi et lui à Gambella. Il a l'habitude de ce trajet.
Observer les gens vivre dans un petit village, fascinant ! Beaucoup d'hommes soûls, qui semblent boire toute la journée. Les enfants reviennent de l'école. Ma blancheur les amuse. Contents de saluer en Amharic.
J'ai laissé le drap-en-cas à une jeune femme avec un enfant, d’un groupe culturel de l’endroit. Baisemains gênant.

Notre transport de Metu à Gore

Un "entremetteur" s’occupe de trouver les véhicules. Le nôtre est en route… 4h plus tard, un gros camion rouge japonais… pour nous ! On nous case sur la couchette du chauffeur avec les bagages. 2 autres voyageurs occupent le siège du passager. L'assistant fait son travail assis en tailleur sur la boîte de transmission.
J'ai finalement eu mon "trip" en camion ! 1h 1/2 sur une route cahoteuse. Babouins noirs, Grivets et Colobus nous suivent… Le Colobus Monkey est sûrement un cousin de la Diane de Roloway
Encore 35 minutes de Gore à Metu en minibus.
"Do you chew chat ?" Non, je veux du tej… ce vin au miel introuvable !
J'ai surtout besoin d'une douche, au seau et à l'eau froide cette fois-ci… une omelette, un thé… et dormir.

Sur la rue, le matin…

jour 19 . sur la route…
5h30 du matin. Attraper le bus vers Bedele. C'est frais. Il a plu pendant la nuit. La saison sèche se termine. Ça verdit partout.
C'est l'heure des bidons jaunes. La quête de l'eau par les femmes.
J’ai souvent l’impression d’être en Inde. Cette façon de s’envelopper dans les grands châles, hommes comme femmes. Les vaches dans la rue. La pauvreté. La saleté.
Le nettoyant antibactérien sans eau, laissé par Manon et Jean, me sert plusieurs fois par jour.
Un trajet en slalum entre les plaquettes d'asphalte et les nids de cigognes. Bedele et sa bière un peu forte. On attend le bus pour Nekemte dans 30 minutes.
Pipi, Injera aux légumes et une bouteille d'eau. Je dois laisser mon nom au guichet pour réserver une place. On se presse autour de moi. Le chef de gare me prend à part, me fait les yeux doux et m'offre un café… sans lait. Je me permets de refuser et de me sauver, le remerciant de sa gentillesse.


Un arrêt pour prendre des gens…

Un jeune couple me tient compagnie pendant les heures d'attente. Elle est infirmière et lui médecin généraliste, voulant se perfectionner en gynécologie. Il ne m’a pas paru très attentionné envers sa compagne…
Un urluberlu s'approche, a vu mon nom sur la liste. Il parle trop vite et trop fort, a le regard un peu exorbité. Il m'énerve ! Mécontent de mon manque de réponse, il revient constamment me titiller… et je me fâche.
Ils machouillent trop le khat. Si on observe, et j'ai eu amplement le temps pendant ces 2 jours sur la route, on remarque un comportement similiaire chez plusieurs d'entre eux. Ils semblent très sociables, bougent, parlent et rient fort et sans arrêt. D'autres, comme mon assaillant, ont l'air un peu ivres, une attitude agressante, déambulant, ne pouvant se séparer de leur sac de feuilles à chiquer. Le manque… un stade plus avancé. “Catha Edulis”, la Fleur du Paradis, semble leur faire vivre l'enfer…


Jeunes Éthiopiens qui veulent voir cette photo sur internet.

4 heures plus tard… le bus arrive avec un problème de direction, qu’on répare illico ! On nous appelle selon la liste et me fait monter la 1ère, privilège de l'étrangère… Je n'ai pourtant pas besoin qu'on attire l'attention sur moi.
Encore une route en construction, comme toutes les routes en Éthiopie. L'an prochain, on roulera sur de la soie et le pays changera complètement de visage.
Epuisée par ces 2 derniers jours, je ne les supporte plus. Surtout le petit criard du siège à côté, pendant les longues heures de trajet dans la poussière jaune et fine, qui s’infiltre partout.
Le moteur hoquette à quelques kilomètres de l'arrivée. Un homme me rassure, ça se répare… Il m'accompagne avec un ami à l'hôtel. La gentillesse des Éthiopiens…
Le sable de la route se dilue sous le jet de la douche chaude, qui devient parfois un luxe. Le resto est fermé. Au moins 4 personnes se relaient pour m’expliquer qu’il est trop tard pour manger et boire…
Je leur demande si quelqu’un d’autre veut encore faire quelque chose pour moi ? tellement ils semblent absolument vouloir m’aider… On me servira tout de même un spaghetti aux légumes et une Bedele.
Ce fut la journée la plus éprouvante du voyage.



jour 20 . Nekemte
Ouf ! et re-Ouf ! J'ai dormi, dormi, dormi…
Jus de mango et Macchiato bien mérités, avec une “fetira” au miel. C’est entre la crêpe et la pâte à pizza.
Wolega Museum, une partie d’un avion italien abattu en 1935 trône fièrement devant l’entrée. Les 2 vieux monsieurs de l'accueil sont les pièces les plus intéressantes de l’endroit. Surpris de ma visite, ils suivent mes moindres gestes et déplacements à la loupe. Agacement total !
Le marché du samedi… quelques tomates, des bêtes et encore des bêtes dans la rue. Je vais profiter du reste de la journée pour me reposer.
“Peanut tea”, c'est presque un dessert si on y ajoute du sucre. Un peu comme une crème de cacahuètes.



jour 21 . sur la route…
Un peu lent ce matin. Mango en jus sans sucre et Macchiato. Douche et “menaraa”… direction Ambo.
Que j'aime cette désinvolture ! même si ça implique beaucoup d'attente. Il manque encore au moins 20 personnes dans le bus… Le petit contrôleur a besoin d’un stylo… et 1 de moins pour moi !
Changement de bus à Bacco, pour un trajet un peu plus long. J'aurai passé encore 8h sur les routes "under construction". J'ai un gros bleu sur une fesse et sûrement bien d'autres que je ne vois pas.
Sans le khat, ils parlent tout bas et tout doucement. Un espèce d’illuminé a prêché sans arrêt pendant les 5h qu’a duré le trajet. Insupportable !
Je suis envasée, ensablée, enlisée, enterrée, en poussière et en sueur. Je suis en mille miettes après 21 jours sur les routes en construction du sud de l'Éthiopie.


Hutte à proximité de la ville…

jour 22 . Ambo
“Me quedo !” Je m'arrête ici les derniers jours.
“Ambo Ethiopia Hotel”, un certain charme, même défraîchi… avec tout ce dont j’ai besoin : un immense jardin, un resto, un cyber… et les corneilles dans les arbres. Mon oiseau préféré.
Un endroit pour paresser. Aujourd’hui, je me sens en vacances. Les miettes se rassemblent. Tout s'y prête, le soleil, le café, le jardin de l'hôtel… et la St-Georges, "Abakesh !" qui mousse beaucoup trop ! On la prépare peut-être avec leur "Ambo sparkling mineral water"…
La musique sur la terrasse des cafés, le retour des "dreads". On est près de Addis Ababa. Les jeunes sont à la mode. Sur la rue, les gens sont actifs et ouverts, on dirait heureux…

Jus de mango du "Green Cafe"

jour 23
Mango au réveil… Avec les toucans qui semblent se foutre de tout, frappant aux portes de leur gros bec. Les aigles qui tournoient dans le ciel. Et les corneilles qui scrutent le sol et me divertissent.
C'est vraiment la farniente. J'ai encore le cou endolori… et plus envie de rien.
Le jardin de “Abebech Metaferia Hotel” est encore plus agréable. Les lapins s’y promènent évitant les assiettes des convives… Inch’Allah !
Cette fois-ci, c'est un "preacher" qui est venu vers moi et j'ai dû me fâcher pour qu’il me laisse tranquille avec son sermon sur Jésus, que j’aime pourtant. Ils sont vraiment trop pieux ! Heureusement que je ne suis pas allée au nord, siège de leur histoire religieuse.
Toujours du café ou du jus dans la soucoupe, qui déborde…

On mendie partout, à tout âge…

jour 24
Il pleut toutes les nuits… Dernière journée de repos avant le retour.
Longue douche chaude. Petit-déjeuner tardif. Trop de café… "Baka !" Sieste à midi. Cyber. Et repas de fin de journée dans un des jardins.
Nouvelles de Myriam, la française avec qui je devais faire un bout de route. Elle n'en peut plus d'être une "faranji". Je me suis d'ailleurs fâchée dans un tuk-tuk avec une jolie jeune fille, pas plus pauvre que moi, qui a tendu la main. "Money ! Money !" Y en a marre ! En plus de payer le double partout, on en redemande encore…
Quelques crayons en moins laissés à une des serveuses pour ses enfants, avec les petits ciseaux, qui ne m'ont à peu près pas servie.
Le moustiquaire est resté dans le fond de mon sac aussi. Il y en avait partout ! Les rues sont toujours bondées de monde. Ils ne sont pas à l'école ou au travail. 2 jeunes étudiants en pharmacie sont venus s’assœir et m'ont répondu que c'est pour ça que le pays est encore pauvre.

Bole, quartier en développement de Addis Ababa

jour 25 . Addis Ababa
Un étudiant en géologie est venu discuter pendant le petit-déjeuner. Il veut se spécialiser en gestion d'entreprise. Ce pays a vraiment de bonnes ressources humaines. Il faut que ces gens restent pour que le pays continue d'avancer. Décidement, cette ville ne me plaît pas beaucoup. J'ai réservé dans Bole, le nouveau secteur "en construction"… Plus près de l'aéroport pour le départ de nuit.
Je vais manger et essayer de trouver le « Tej Beat ». Toujours pas goûté ce vin au miel.

Souriants et attachants…

jour 26
C'est toujours quand vient le temps de partir qu'on apprécie le plus. Ce sont les gens qui rendent l'endroit attachant. Ils sont vraiment amicaux, ouverts et naturels. Leur gentillesse est appréciable. Les détails qui font la différence : la propriétaire de la Pension Almaz et ses efforts pour être agréable, les dames du petit resto soudanais, les gens de la pizzeria à côté, même sans pizza… riz au légumes et St-Georges quand même ! et les crayons pur bois, que j'ai finalement retrouvés.
J'ai fait tous mes trajets en mini-bus cette fois-ci. Simple et surtout économique ! 2,5 birr pour ce qui en coûte 150 en taxi… du vol !
J'ai aussi rencontré Myriam Richou. On a souvent été aux mêmes endroits en même temps, sans se croiser. Elle voyage à la dure, beaucoup plus que moi. Elle a réussi à faire le nord et le sud en 6 semaines. Je n'aurais sûrement pas apprécié le nord, plus froid, en groupe et 4X4 nécessaire, la plupart du temps.
On voulait terminer la journée au « Tej Beat », mais la distance était trop grande. On a pris une bière à la pizzeria à côté.

Transfert au Caire…


jour 27
1h du matin, le taxi m’attend. Je n'ai pas vraiment dormi. Je prendrais bien un café.
Je ne ramène que mes chaussures Sole Rebels, les crayons de bois d'un naturel éthiopien et une petite poule. Je ne sais pas qui en héritera…
Tiens ! un cyber… et l’apéro avec Guylaine à Montréal. Un verre de vin remplacerait bien le café…
Salut Enzo ! qui doit en avoir plein les oreilles au Kechmarra.
Oups ! mon temps est terminé… Il me reste 10$, je trouverai peut-être un verre de vin…
Départ à 4h30 pour Le Caire, transfert pour Casablanca, arrivée à 18h à Marrakech par le train… encore un petit taxi et hop ! pour un bon 20 heures de déplacement par tous les moyens.
Les derniers deniers : 1h d’internet à l’aéroport d’Addis Ababa. 1 Côtes-du-Rhône au hors-taxe du Caire.

Retour à Marrakech…

Et, 3h à l’ouest de Addis Ababa…
Après une longue douche, qui a été remplacée pendant mon absence, un spaghetti improvisé et pas très bon, un verre de rouge… et un bon 10 heures de sommeil. Je dois reprendre l'habitude du clavier “azerty”, avec les accents.
L’Éthiopie, les plus beaux paysages qui m'ont été donnés de voir, avec la pauvreté des peuples du Sud en premier plan.
Des gens chaleureux et curieux, qui accueillent la modernité à bras ouverts. Le visage de l'Éthiopie est en train de changer…
Toits de paille et rondins. Toits de tôle et terre battue. L'asphalte sillonnera bientôt les hameaux surplombant la Vallée du Rift.


Mes endroits préférés :
Hawassa, pour le lac et les grands oiseaux et sa construction en quadrilatère.
Sodo, pour les gens du cyber, les petits bungalows du “Bekele Mola Hotel”, les jeunes dans les rues ensablées, les 2 gars qui ont remplacé la petite vis de la branche de mes lunettes, qui tenait avec une épingle de sûreté depuis Konso.
Tepi, pour sa situation géographique au bout du monde, le responsable du cyber Salome, j'en aurais bien fait mon amant…* le "Guesthouse" de la plantation de café.
Ambo, le jus de mango du "Green Cafe", les gens du cyber, les jardins des hôtels, les corneilles et les lapins…

Je précise que je n'ai pas d'aventure en voyage. Me réveiller plus de passeport et sans le sous me dégonflerait totalement. Le dépaysement me comble, tout en réapprenant à marcher et à parler. 

Seulement 3 villages sans internet : Masha, Tulcha, Gore.

26 jours / 14,200 birr : 6,500 dhs : 770 $ : 590 €